La mafia de Bombay contrôle-t-elle toujours Bollywood? Un organisateur d’événementiel indien a avoué que le Milieu de Bombay était souvent impliqué dans les spectacles bollywoodiens à l’étranger. Secret de polichinelle depuis des années, les liens entre la mafia indienne et le monde du cinéma commencent cependant à se déserrer.
Le film Company de Ram Gopa Varma est basé sur le gansgter Dawood Ibrahim Shah Rukh Khan a-t-il été retenu à la douane américaine à cause de liens indirects avec la mafia indienne? Cette hypothèse, avancée par Farhath Hussain, l'oganisateur du festival sud-asiatique auquel devait participer la superstar bollywoodienne à Chicago et Houston la semaine dernière, paraît peu crédible. Que ce type d'évènement regroupant les acteurs les plus en vogue du cinéma indien soit, comme le clame ce premier, sous l'emprise de mafieux mumbaikars, le parait déjà plus.
Farhath Hussain, qui vit actuellement à Londres, explique dans un article paru dans le Hindustan Times qu'il n'avait pas organisé d'évènements de ce type depuis neuf ans, après avoir reçu des menaces de gangsters indiens. "On a menacé de faire du mal à mes enfants si je ne cédais pas aux racket. Tout le monde sait que ces menaces venaient d'Abu Salem et d'Anis Ibrahim", affirme-t-il, en référence aux deux célèbres membres de la pègre de Bombay. Selon lui, la plupart des spectacles bollywoodiens à l'étranger sont organisés avec la "coopération" du milieu.
Sujet longtemps tabou, les relations entre Bollywood et la mafia de Mumbai dans les années 90 ne sont désormais un secret pour personne. Pour cette dernière, le financement de films était à la fois un moyen de blanchir l'argent sale et de goûter au glamour de Bollywood. La fascination des réalisateurs indiens, pour les gangsters, souvent représentés en anti-héros sympathiques, pourrait donc bien avoir une autre explication.
En 2000, le chef de la police de la ville a affirmé que le producteur et magnat du diamant Bharat Shah avait financé le film à succès Chori Chori Chupke Chupke avec de l'argent sale provenant du Milieu mumbaikar. L'acteur Salman Khan, qui jouait le rôle principal dans le film, a plus tard avoué être au courant de l'origine de son financement.
La même année, la police de Mumbai a dévoilé une conversation téléphonique entre, d'un côté, le réalisateur et producteur Mahesh Manjrekar et l'acteur Sanjay Dutt, et de l'autre, Chhotta Shakeel, un des lieutenants d'Ibrahim Dawood, "parrain" de la mafia musulmane de Bombay soupçonné d'être le responsable des attentats de 1993.
Sanjay Dutt avait par ailleurs été condamné a plus d'un an de prison pour son implication indirecte dans ces mêmes attentats, qui ont fait plus de 250 morts dans la capitale économique indienne. Plusieurs armes à feu, dont un AK-56, avaient été retrouvées à son domicile de Bombay. L'acteur est en liberté sous caution depuis août 2007.
Autre anecdote, le producteur Rakesh Roshan avait révélé avoir payé 100 millions de roupies à Abu Salem, membre du clan de Dawood Ibrahim. Abu Salem exigeait les droits pour la distribution à l'étranger du film Kaho Naa Pyaar Hai, dans lequel figurait en premier rôle l'acteur Hrithik Roshan, fils de Rakesh. Plusieurs autres grands noms de Bollywood ont été la cible d'extortions émanant de la mafia mumbaikar, entre autres Aamir Khan, lors de la sortie de son film Lagaan en 2001.
Le producteur Gulshan Kumar, abattu en 1997 à Mumbai, a été moins chanceux. Son assassinat est imputé à un complot entre Ramesh Taurani et Nadeem Saifi, respectivement producteur et réalisateur, qui auraient ainsi tenté de se débarasser d'un rival, et Abu Salem, alors basé à Dubai.
C'est par ailleurs dans cette clinquante ville du Golfe qu'étaient organisés dans les années 80 de nombreux évènements bollywoodiens, auxquels assistaient (et qu'organisaient ?) les membres de la mafia indienne. Après les attentats de 1993, les liens entre le Milieu et Bollywood sont devenus moins explicites mais n'ont pas disparu pour autant.
L'ouverture de l'économie indienne et la professionalisation de l'industrie du cinéma indien a depuis permis de trouver des sources de financement plus propres. Jusqu'à la fin des années 90, le cinéma n'était en effet pas considéré comme une industrie "légitime" et représentait donc un investissement risqué en Inde.
Difficile cependant de concevoir, comme le rappelle Farhath Hussain, que la mafia de Bombay a complètement relâché son emprise.
http://www.aujourdhuilinde.com