Hindouisme et cinéma

La religion est omniprésente dans les films, les scènes de puja, de mariage ou de Karva Chauth sont presque aussi importantes que la pellicule pour faire un film, comme le dit l'expression.
La religion tranche souvent la frontière entre bons et mauvais dans le cinéma. L'héroïne sera celle qui accompli bien ses devoirs religieux et respectent les interdits, comme Shivani dans "Anjaam" qui respecte son deuil de veuve ou Seema dans "Yes Boss" qui a honte de sortir avec un homme marié. Le spectateur indien applaudira en entendant ses propos de femme vertueuse. C'est de la religion que naisse les drames du cinéma. Le héros doit pouvoir épouser celle qu'il aime avant qu'elle épouse celui choisi par ses parents, sinon ce serait un pêché que de l'aimer (comme on le dit dans "Zamana deewana"). Les héros de "DDLJ" ou de "KKHH" n'envisageraient en aucun cas de former couple adultère, il faut se marier pour s'aimer. Mais heureusement qu'il y a un fiancé ou un père gentil qui a compris que la mariée en aime un autre, ce genre de situations n'arrive que dans les films. En cela, un film comme "KANK" est choquant pour le public indien car il montre des personnages brisant le sacrement du mariage. On ne doit aimer dans sa vie que la personne qu'on a épousée et cela pour toujours, en tout cas pour les femmes.
Les méchants sont vite reconnaissables. Une méchante sera une femme de mauvaise vie qui fument et qui boit comme un homme et qui a des amants comme les méchantes de "Anjaam" ou de "King Uncle". Les populations indiennes n'ont souvent pour seuls références que les références religieuses. La mythologie leur sert de repère. Les méchants ont souvent l'allure des méchants de la mythologie comme Ravan, le méchant dans le "Ramayana", avec ses gros yeux, ses cheveux longs et sa moustache recourbé : comme Amrish Puri, le méchant par excellence. Comme Raghavan, le méchant du film est un homme puissant et riche, faussement religieux et adepte de Shiva ou de ses émanations féminines (Durga ou Kali), qui persécute gratuitement les faibles et qui a une grosse voix caverneuse. Amrish Puri dans "Karan Arjun" ou Danny Dengzonpa dans "Army" correspondent exactement à cette description. Les héros de films s'identifient eux aux héros de la mythologie. Dans "Main hoon na", deux frères Ram et Lakshman luttent contre un méchant qui s'appellent Raghavan… exactement comme dans le "Ramayana". Farah Khan et Abbas Tyrewala (qui ne sont pas hindous comme leur nom l'indique) ont puisé facilement dans la mythologie hindoue pour rendre leur histoire tout de suite compréhensible à la grande masse des Indiens. Les héroïnes s'identifient elles aux déesses comme Shivani dans "Anjaam" qu'on rapproche tout de suite de la déesse Durga, la déesse-mère guerrière qui défend ses enfants, surtout avec les chants religieux dédiés à cette déesse qu'on entend quand elle tue. La mère de Karan et Arjun s'appellent Durga aussi (Kali est la face cruelle et sombre de Durga).
La conception de la justice rejoint la conception cyclique du monde a l'hindouisme. La justice se conçoit comme le retour à l'ordre cosmique ébranlé. Il faut revenir à la normale plus que tout révolutionner. La famille doit se retrouver sur ce même schéma (c'est le concept de "perdu-retrouvé" de la journaliste Nasreen Munni Kabir auteur du documentaire sur SRK). Rohan dans "K3G" ou Ram dans "Main hoon na" rétablissent l'ordre familial naturel à l'image des avatars de Vishnu qui remettent en place l'ordre naturel de l'univers après une période de chaos.
Les chansons et les danses sont elles aussi inspirées de mythologie. Les aventures de Khrishna séduisant Radha, qui forment le "Ras leela", sont toujours sources d'inspirations comme dans "Devdas".
Toutes ces références religieuses servent à mieux comprendre les films indiens et nous permettent de comprendre pourquoi ils sont si populaires et les acteurs révérés comme des dieux. Pour vous dire, le film "Jai Santoshi Ma" a inventé une déesse Santoshi Ma qui maintenant est vénéré comme une forme de la déesse Durga. Le cinéma crée de nouveaux dieux et en devient une nouvelle religion populaire.

L'hindouisme est très présent dans les films indiens. Il est le cadre structurant de la culture indienne. Les références religieuses sont donc omniprésentes. Je suis sur que vous avez du être parfois un peu perdues à travers cette iconographie foisonnante. C'est pour cela que je prends l'initiative d'un petit pont d'iconographie hindoue.
Les hindous contrairement à ce que l'on pourrait croire ne sont pas vraiment polythéistes. En fait, tous les dieux (33 millions en tout) ne sont que des émanations d'une même essence divine. Pour appeler Dieu en général, on peut utiliser le terme Bhagvan, Ram, Ishvar ou Rabba. Cela explique la tolérance de l'hindouisme à l'égard des autres religions vues comme d'autres voies possibles vers le salut. L'hindou peut espérer assurer son salut en respectant son dharma (devoir de caste) et les traditions qui en découlent. L'adoration d'un dieu de façon sincère (la bhakti) et des offrandes à ce dernier sont une façon de se rapprocher de l'absolu car chaque dieu n'est qu'une émanation du principe suprême. Les brahmanes (pandit) sont néanmoins nécessaires pour l'accomplissement de certains rites comme le mariage qui est un sacrement inviolable et unique dans la vie. Les brahmanes assurent la vie religieuse, ils forment la plus haute caste de l'hindouisme devant les guerriers.
Trois principaux dieux d'où découlent tous les autres, se distinguent : Brahma le créateur, Vishnu le conservateur et Shiva le destructeur, ils forment la Trimurti (trinité) et représentent le cycle normal de l'univers (création, conservation et destruction et ainsi de suite). Je n'évoquerai que les dieux qui apparaissent dans les films et qui sont les plus populaires.

Brahma est peu populaire par contre sa parèdre Saraswati l'est énormément. C'est la déesse des arts invoquée par les artistes (comme la grand mère dans "KHNH"), elle est assise sur un cygne et tient un cithare.

Vishnu (Hari) est surtout vénéré pour ses avatars. En effet, c'est un dieu passif qu se manifeste par des descentes sur terres (avatars) lors d'un dérèglement cosmique. Ses avatars sont aussi qualifiés d'Hari (comme dans les hymnes de "KKHH" et "K3G"). Ses deux avatars les plus populaires sont Rama et Khrishna. Sa femme Lakshmi est par contre très populaire. C'est la déesse de la richesse, adorée par les commerçants. On la représente comme une belle femme déversant des pièces d'or.
Ram est le roi d'Ayodhya (vallée du Gange). Sa femme Sita a été enlevé par le roi du Sri Lanka, le démon Ravan. Il libère sa femme avec l'aide de son frère Lakshman et du roi des singes Hanuman (comme dans la pièce dans "Swades"). Après sa victoire, il rentre en triomphe à Ayodhya, c'est ce retour triomphal qu'on fête pour Diwali. Le "Ramayan" conte ses exploits. Ram est souvent représenté avec un arc et un carquois entouré de Sita, de Lakshman (comme dans la scène de Diwali de "K3G") voire du singe Hanuman.
Khrishna est le roi de Mathura (près d'Agra, dans la vallée de la Jamuna) comme on le précise dans "Pardes". On le nomme aussi Shyam (peau noire), Murli (le coquin) ou Gopal. C'est un dieu d'origine dravidienne car il a la peau noire. Elevé par des bergers, il séduit les laitières de la région mais sa préférée est Radha. Il la séduit au son de sa flûte et cette dernière se laisse entraîner dans la dévotion à Khrishna. Leurs aventures forment le "Ras leela". On le représente souvent avec une flûte et Radha ainsi qu'une vache à ses côtés. On le représente aussi souvent comme cocher sur le char d'Arjun du "Mahabarat". C'est là qu'il explique à Arjun avec la "Bhagavad Gita" que le but de la vie est de respecter ses devoirs de caste. Arjun en tant que guerrier doit donc considérer que pour lui tuer est une chose positive. La peau bleu foncé de Khrishna indique sa peau sombre à la différence du bleu gris claire des autres dieux.

Shiva (ou Rudra ou Shankar ou Hara ou Bholenath) est le dieu ascète. On le représente en méditation. Il a la peau bleue car il est couvert de cendres. De son chignon portant un croissant de lune jaillit la déesse du Gange. Un serpent s'enroule autour de son cou en souvenir du jour où il but le venin d'un serpent pour sauver l'humanité. Son arme est le trident. Quand il ouvre son troisième œil vertical du front, il entame la phase de destruction du monde en dansant la danse de la destruction (d'où son surnom de Nataraja, le roi de la danse). Son symbole est le lingam (phallus) sortant parfois du yoni (vulve) de sa femme Parvati. Dans "Pardes", on voit d'ailleurs Ganga arroser ce symbole en offrandes à Shiva. Parvati est la parèdre de Shiva et incarne son nécessaire double d'énergie : sa Shakti. Durga et Kali sont des émanations de cette Shakti bien qu'elles soient des déesses vierges.
Durga est la mère bienveillante assise sur un lion ou un tigre. Elle est armée de lances, de sabres et de gourdins pour combattre les démons.
Kali (la noire, d'où sa peau bleue) est la face sombre de Durga, c'est aussi une mère protectrice mais plus violente et cruelle. Elle a un collier de têtes de morts au cou, un pagne fait de bras coupés et tire la langue en signe de fureur.
Ganesh (Ganpati) est le fils de Parvati. Jaloux de voir un homme gardé les appartements de sa femme, Shiva lui a coupé la tête. Pour consoler son épouse il lui a remis une tête d'éléphant. Avec une de ses trompes, il a écrit le "Mahabarat" d'où la trompe qui lui manque. Il est assis sur un rat et porte un plateau de laddoo. C'est le dieu des commerçants.

Ainsi le panthéon hindou se forme à partir de deux principaux dieux. Les hindous se divisent donc en vishnouiste et shivaïste. Il y a complémentarité entre Shiva (Hara) et Vishnu (Hari). Les shivaïstes portent sur le front trois bandes horizontales et les vishnuïstes des bandes verticales formant un "U". Les avatars et les manifestations de ces dieux portent aussi ces signes voire le trident pour les manifestations de Shiva (sur le front ou à la main).
J'espère que maintenant vous en savez plus sur l'hindouisme.

Ps : dans "KKHH", la chanson "Raghupati raghav" parle de Ram mais l'image au mur est celle de Durga
Dans "K3G", le groupe de trois statuts dans le hall, lors de Diwali, représente Ram, Lakshman et Sita mais l'autel familial comprend lui Khrishna et Radha

Marouane a écrit:

Ram est le roi d'Ayodhya (vallée du Gange). Sa femme Sita a été enlevé par le roi du Sri Lanka, le démon Raghavan. Il libère sa femme avec l'aide de son frère Lakshman

D'ou dans Main hoon na l'allusion au ramayana entre Shah Rukh Khan et Zayed Khan qui jouent des frères ( ram et et lackshman)